Étranges événements, qui m’ont mené à lire ce recueil de nouvelles de Ray Bradbury, quelques appréhensions aussi sur l’écriture de cette chronique quand il suffit de quelques lignes pour dévoiler l’intrigue de quelques pages.
Mais bon il me fallait un livre sur les voyages temporels, et comme le 4ième volet du jeu Life is Strange m’en a soufflé ce titre(1), je me suis lancé.
L’avantage c’est que je vais pouvoir faire un beau combo, vu que ce recueil, outre la nouvelle « Un Coup de Tonnerre » qui parle exclusivement de voyage temporel, en comporte de nombreuses autres sur les voyages spatiaux, avec une prédilection pour la planète favorite de l’auteur : Mars.
L’ouvrage composé de huit nouvelles écrites entre les années 1948 et 1990, court sur une petite centaine de pages parsemées de touches de poésie, qui rendent leur lecture particulièrement agréables(2).
Par contre attention, Ray Bradbury c’est toujours défendu d’être un scientifique, il ne faut donc pas chercher de rigueur scientifique dans ses œuvres ; mais malgré les erreurs, dont certaines sont excusables compte tenu des époques d’écriture, on n’en reste pas moins transporter par la beauté de son style.
Celui qui Attend – 1949
On commence cette série par une nouvelle Martienne particulièrement poétique.
Comment pourrais-je dire ce que je suis quand moi-même je l’ignore ?
J’attends – c’est tout. […] Un jour viendra où je n’attendrai plus.
Sur Mars, la première fusée humaine vient de se poser et ces occupants semblent bien décidés à prendre possession de cette planète abandonnée depuis près 10 000 ans.
Abandonnées ? Pas si sûr. Et alors que les nouveaux colons sont écrasés par la chaleur, ils vont faire la connaissance en s’approchant d’un ancien puits d’une entité désincarnée. Une entité, qui inconsciemment, prendra tour à tour possession de chacun d’eux.
La fusée – 1950
Pour cette seconde histoire, on suit les pas d’un immigré italien sans le sou dans un monde, où les voyages spatiaux sont désormais monnaie courante, même s’ils restent réservés à une élite particulièrement riche.
Chaque soir en regardant les fusées partir vers les étoiles, Fiorello Bodoni rêve de partir lui aussi, et après avoir passé des années à économiser il a finalement réussi à amasser la somme colossale de 3 000 $(3). Malheureusement cela ne peut permettre qu’à une seule personne de faire le voyage.
Entre sa femme qui lui conseille d’investir cet argent pour améliorer leur vie, et ses enfants qui se dévouent pour le laisser partir, il va tenter de trouver une solution pour que tout le monde puisse finalement partir.
La pierre tombale – 1988
Point de science-fiction dans celle-ci, juste un peu de fantastique avec cette nouvelle particulièrement drôle, où l’auteur se moque des natifs de l’Oklahoma, considérés à en croire les notes de bas des pages comme les ploucs de l’époque.
C’est l’histoire d’un couple, qui après un très long voyage en voiture prend une chambre d’hôtel livrée avec une pierre tombale ! Juste la pierre pas la tombe, bien-sûr.
Malheureusement et malgré la fatigue accumulée durant le voyage, la partie féminine du couple va faire une fixation sur cette étrange pierre. Et la nuit va être longue, persuadée qu’elle est, de la présence d’un mort en dessus.
Et si un cadavre attendait réellement dessous ?
Août 2002 – Rencontre nocturne – 1950
Ici c’est un chapitre de la première édition(4) des Chroniques Martiennes, qui tient lieu de texte. Un chapitre empli de poésie, qu’il faut absolument lire, mais de toute façon il faut absolument lire les Chroniques Martiennes.
Tomás est un terrien, qui vit désormais sur Mars ; Muhe Ca, lui est un martien. Ils ne sont pas du même monde, ni de la même époque ; et pourtant leurs images vont se rencontrer hors du temps.
Deux fantômes ? Deux êtres vivants ? Quand un terrien rencontre un martien, que peut-il bien se passer ?
Le jour de la grande exhumation – 1952
Après la Pierre Tombale, voici la seconde nouvelle fantastique(5) de cet ouvrage, qui pour le principe garde les mêmes thèmes que la première, à savoir la mort et les tombes.
Un transfert de sépulture, une grand-mère qui retrouve le cadavre de son amour de jeunesse enterré quelques soixante ans plus tôt, et surtout un choc psychologique quand elle le découvre aussi jeune qu’à l’heure de son décès.
Peut-on continuer à vivre quand on se sent plus vieille qu’un mort ?
Icare Montgolfier Wright – 1956
Probablement la nouvelle la plus poétique du recueil, à tel point que nonobstant la métrique, on pourrait la considérer comme une longue poésie à part entière.
Un homme, une nuit ; un astronaute, les incarnations de ses prédécesseurs… Le rêve de voler : d’Icare, de Montgolfier puis de Wright.
Ou quand ce désir de défier la gravité unit et réincarne dans leur héritier trois hommes au-delà des barrières du temps.
Le petit assassin – 1946
C’est la plus longue des nouvelles, mais c’est aussi la plus tragique voir la plus dérangeante. Elle fait froid dans le dos, mais on accroche néanmoins jusqu’à la fin, tant on veut savoir le fin mot de cette histoire. Une nouvelle a déconseillé à toutes futures jeunes mamans 🙂
À la suite d’un accouchement particulièrement difficile, Alice Leiber est persuadée que son enfant a voulu la tuer. Les mois passant et malgré les encouragements de son mari, Alice n’arrive pourtant toujours pas à éprouver d’amour pour ce petit être.
Et la situation ne va pas en s’améliorant, car alors que son mari s’absente quelques jours, elle contracte une pneumonie des suites des fatigues cumulées de l’accouchement et de celle induite par les pleurs incessants du bébé.
Qu’y a-t-il de plus égoïste au monde qu’un bébé ? Rien !
Que peut-on imaginer de plus en paix, de plus à l’aise, […] de moins tracassé qu’un enfant pas encore né ? Rien !
Ainsi donc à peine né, l’enfant a quelqu’un à haïr de toute la force de son esprit non rationnel.
Instinctivement on aurait tendance à se ranger aux avis du mari et du médecin, qui ne voient dans le comportement d’Alice que les conséquences du traumatisme dû à son accouchement difficile. Mais la conviction de la mère est telle, que l’on ne peut totalement ignorer son point de vue, et que l’on reste alors partagé entre le raisonnable et l’irraisonné.
Un coup de tonnerre – 1953
Et pour finir le Coup de Tonnerre. J’ai une pensée particulière pour celle-ci, tout d’abord car je ne connaissais pas (honte à moi) et ensuite car grâce à elle que je me suis remis à lire cet auteur.
En passant je me demande si Edward Lorenz, quand il a fait sa conférence sur la prédictibilité en 1972 : « Does the Flap of a Butterfly’s Wings in Brazil Set off a Tornado in Texas?« , avait à l’esprit cette nouvelle.
Ces considérations mises à part, ce texte est excellent et introduit parfaitement les voyages temporels et surtout leurs conséquences.
Dans un futur proche, en 2055, l’humanité a finalement réussi à maîtriser les voyages dans le temps, et une société, la SOC, s’est spécialisée grâce à cette technologie dans des safaris un peu spéciaux : la chasse aux dinosaures ! Mais attention il y a des règles draconiennes à respecter : on ne peut tuer que des animaux marqués, qui vont de toute façon mourir sous quelques minutes et surtout on ne doit jamais quitter la plateforme antigravitationnelle !
Eckels attiré par ce nouveau type d’offre, décide de se lancer dans cette chasse au Tyrannosaurus Rex, mais pouvait-il seulement imaginer qu’une toute petite erreur d’inattention pouvait provoquer de telles conséquences ?
(1) : c’est Ms. Grant, le professeur de science de l’héroïne, qui lui évoque ce bouquin, si on essaye de justifier les événements étrange du jeu par les voyages temporels.
(2) : poésie que l’on voit dans le fond et dont la traduction française rend parfaitement la forme.
(3) : la somme devait probablement être colossale à l’époque, mais aujourd’hui, il faudrait quand même rajouter quelques zéros.
(4) : compte tenu de la date, c’est bien l’édition de 1950 à laquelle on a droit ici, la version renouvelée de 1977 ayant vu ses dates décalées de 31 ans : Août 2033 – Rencontre nocturne.
(5) : pas vraiment fantastique non plus en fait, car toute la nouvelle est basée sur des faits possibles ; si, si, même le parfait état de conservation du cadavre.
Bradbury c’est toujours chouette, un jour il faudra que je me replonge dans ses textes… (tellement de choses à lire !)
et oui, mais sa lecture reste néanmoins rapide